lundi 30 septembre 2013

Le faciès de la bouteille

Je rapportais chez moi quelques affaires, dont une bouteille de gaz d'un beau bleu vif qui avait servi à la tambouille pendant trois jour à la campagne. J'en riais, de me voir en barbu portant une bouteille de gaz, pour les raisons que vous savez. Alors que je passais devant son épicerie, Nour ad din, lumière de la religion, qui a des lumières sur tout ce qui passe et n'en manque pas une, m'interpella à grand bruit : "Alex ! Tu vas où avec ça ? On te laisse faire ? C'est quoi ce laxisme en France ? - C'est sûr que toi, dans les trois cent mètres que je viens de faire dans l’indifférence générale, on t'aurait contrôlé cinq fois. - Ah, il y a deux poids deux mesures, ici ! - C'est bien ce que je pense; Allez, je vais la mettre dans un endroit sûr." Et de rigoler tous les deux, pour les raisons que vous savez.

samedi 28 septembre 2013

Les bobos vont au marché se nourrir de mots


"Allons, fruit de mes entrailles, choisissons quelques fruits pour nourrir de plénitudes mon désir de plénitude", dit la femme légèrement enceinte dans les allées du marché. Et elle prend une bassine métallique et la rempli de fruits, derniers fruits de septembre, bien gonflés de plusieurs mois de soleil. "Voilà qui est la preuve même de la nature symbolique de la nourriture", dis-in petto en croquant la scène. Celui qui s'occupait des réassorts des cagettes n'en croyait pas à ses oreilles, et pensa à part lui qu'il vaux mieux l'entendre que d'être sourd. Pas tort.


dimanche 22 septembre 2013

Boum-Boum Kchiii....

Au fond, ce que je voudrais, c'est être gros caissier à la fanfare Pustule....et me mettre devant les cuivre, assis sur mon gros tambour, et taper, vite, fort, et tous les deux coups taper un coup de cymbale, et derrière les tub feraient leur rythmique à pattes d'ours, les trombones glisseraient en perpétuels déséquilibre, les sax assureraient et les trompettes feraient leur malignes. Tout ça, dans la rue, ou sur une passerelle de la Saône, en plein vent, en plein soleil, et ça me vibrerait dans les fesses jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Mais je taperais toujours. C'est un beau métier, que gros caissier à la fanfare Pustule.

lundi 2 septembre 2013

Michael Kohlhaas sauve l'honneur du cinéma jusqu'à peut-être y succomber

Michael Kohlhaas est un grand film, je ne sais jamais comment l'écrire, je ne sais où on met les h, j'ai du vérifier, merci google, mais c'est un grand film. Son accueil critique est étrange : on le trouve trop long, ennuyeux, avec de beaux chevaux, ce qui est une façon de se moquer. C'est vrai qu'il n'est rien ici de la machine folle hollywoodienne qui agite et qui montre, ici rien ne s'agite, ce qui ne doit pas se montrer ne se montre pas, on laisse contempler. L'ennui, ma foi, n'est pas toujours l'ennemi, Tolstoï est parfois ennuyeux, Kafka aussi, et Proust donc, mais est-ce que cela importe ? Il est des films qui ne procurent aucun ennui physique, tant on est occupé par ce qui bouge sur l'écran, mais distillent un ennui métaphysique, tant ils sont vides. Michael Kohlhaas c'est le contraire. Ce film est tarkovskien, lent et puissant, toutes ses images saturées de présence physique. On chipote sur une cohérence historique, mais on s'en moque, j'ai cru que tout était inventé, et j'ai découvert après que les références minimes à l'histoire étaient vraies. Qu'en avait-je à faire? On chipote l'accent de Mikkelsen, mais son phrasé lent rejoint sa masse tellurique, celle de l'homme qui est tout un avec sa dignité, jusqu’à''à mettre tout le pays à feu et à sang s'il le faut. Le casting a ici du génie. Michael Kohlhaas est un grand film, c'est tout, il réconcilie avec l'idée même du cinéma. Après, on peut aller voir une bouse hollywoodienne atteinte de Parkinson, pour s'amuser si on veut, on s'en moque, le cinéma est encore sauvé.